manger ou ne pas manger, là est la question!
Pendant 70
jours j’ai mangé et essayé tous les plats, légumes ou fruits occidentaux que j’ai
découvert. Dès mon arrivée en Allemagne il y a trois mois bientôt j’ai été très
enthousiaste. Je découvrais des mets pour la première fois de mon presque quart
de siècle, je mangeais de tout ce qu’on me présentait ou plutôt j’essayais.
C’est comme
ça que j’ai découvert des choses que je ne compte pas manger à nouveau, en tout
cas pas de si tôt. Des asperges vertes, cultivées en Allemagne, mais qui sont
très récentes comme culture et que des allemands ne connaissent pas encore, le
steak saignant, l’œuf cuit avec le jaune encore liquide, et d’autres choses
encore. Et puis, il y a ces pâtisseries typiquement allemandes ou pas, que l’on
goûte et auxquelles le palais s’attache profondément, tartes au fromage, tartes
au yaourt ou à la crème, tiramisu, pudding, gâteau marbré, gâteau au chocolat à
la crème au vin, fondant au chocolat, brownies, piqûres d’abeilles ou
Bienenstich, gâteau choco, et croquants au chocolat et aux amandes. J’habite en
face d’une boulangerie-pâtisserie, j’ai juste à traverser la route pour sentir
et goûter les délices sucrées du petit bourg allemand où j’habite. Les
viennoiseries par contre je m’y connais moins, pas que je n’ai pas goûté les
pains aux grains, les biscottes avec des morceaux de chocolat ; les petits pains avec ou sans grains, les
pains au yaourt ou aux amandes, juste que mon goût préfère les moelleux et le
chocolat, et ces deux caractéristiques sont pour mon plus grand bonheur
présents dans les pâtisseries. Ce qui fascine en tout cas, c’est la diversité
des pains et comment les allemands ont chacun des préférences pour un grain ou
un autre.
Le deuxième
mois de mon séjour, un vendredi ou un samedi, j’ai fait un kedjenou au poulet.
Un plat typique de la Côte d’Ivoire qui consiste à cuire des légumes ensemble
avec du poisson ou de la viande, en prenant soin de ne pas mélanger le tout
avec une louche, mais de secouer de temps à autre la casserole pendant la cuisson
pour éviter que la sauce ne colle et permettre aussi une bonne répartition des
ingrédients. Je n’étais pas encore fatiguée de la nourriture européenne,
seulement j’étais seule à la maison, alors j’ai voulu me faire plaisir. J’ai dégusté sur deux jours jusqu’à la
dernière goutte de ce plat avec du riz américain long grain.
Je parle de
nourriture occidentale ou européenne, parce que ma mère d’accueil vient de la France,
alors même si on vit en Allemagne dans un environnement très allemand, on ne
mange pas forcément allemand tous les jours. Ce qui est certain, c’est que les
plats typiquement allemands que j’ai mangé à ce jour ont été un régal pour mes
papilles. Parlons par exemple de ce Hackenfleisch avec des pommes de terre
cuites à l’eau assaisonnées de sauce beurre- persil (ou romarin), ou encore ces
asperges blanches avec du beurre fondu dégustées avec du jambon. Les knödel par
contre que j’ai mangés lors de mon séjour à Francfort ne m’ont pas fait une
forte impression, mais le poulet rôti servi avec, lui avait un goût de bonheur
que les allemands savent bien donner à la viande.
Pour donner
un certain intérêt à mon rapport il faut que je décrive ce qui me pousse à
écrire sur ce que je mange. Depuis trois jours, exactement depuis le 71ème
jour de mon séjour allemand, j’ai perdu l’appétit, il y a à manger, comme d’habitude
du jambon, du pain, du beurre, de la crème fraîche, du yaourt, des pommes, des
poires, des fraises, des produits congelés comme les bâtonnets de poisson et les
fricadelles avec de la pomme de terre. Le problème, c’est que rien de tout ça
ne m’intéresse, même les gâteaux qui me font rêver d’habitude me dégoûtent.
Peut être parce que j’en ai trop mangé, mais surtout parce que les repas
ivoiriens me manquent et ce manque me coupe l’appétit d’autre chose.
Toutefois j’ai
pensé que j’avais des vers dans le ventre, qui me piquent ma bouffe, mais je
doute fort que ce soit des vers, puisque j’ai pris un déparasitant quelques
semaines après mon arrivée en Allemagne, et puis ici tout est très propre et
sain. Mais c’est une piste que je prends au sérieux, alors je viens d’avaler un
comprimé de déparasitant. Ce 74ème matin j’ai pris le petit déjeuner
très tard, plus parce que j’avais faim, moins parce que j’en avais envie, le déjeuner je l’ai sauté,
mais vers 16 heures parce que je tremblais de faim, j’ai mangé une tarte au
fromage, je reconnais le goût y était, mais ce dessert m’a presque donné envie
de rendre tout ce que j’avais dans le ventre. J’ai oublié d’énoncer que j’ai
été malade pendant 8 jours et que je prends encore des médicaments, j’espère
que c’est la somme de la maladie, des médicaments et de mon envie de voir mon
pays qui crée ce malaise et cette perte d’appétit. Je suis patiente.
Après le
kedjenou, un autre évènement culinaire est venu embellir mon quotidien
gastronomique européen, j’ai cuisiné une sauce pistache l’après-midi de ma 73ème
journée allemande. Mme Titiro, une femme distinguée et de qualité m’a envoyé
par mon amie Germaine de Francfort (ça sonne bien Germaine de Francfort) de la
pistache écrasée de la Côte d’Ivoire. En quelques minutes toute la cuisine
sentait la belle et bruyante Côte d’Ivoire, et surtout Dabou, ma ville natale.
Avec de la pistache ivoirienne, des ingrédients et de la viande allemande, j’ai
obtenue une ambiance culinaire qui n’a pas fait du bien qu’à moi seule, parce que
j’ai partagé mon repas avec mon père d’accueil, il a trouvé le goût de la sauce
des plus délicieux et l’a accompagné de riz basmati. Ma mère d’accueil, bien que difficile
sur le plan gastronomique, a aussi apprécié ce goût qu’elle a qualifié de
particulier et de très bon. De quoi être fière, cuisiner ivoirien sera souvent
à l’ordre du jour à partir d’aujourd’hui. Je ne dois surtout pas oublier de mentionner l’attiéké
à l’omelette que j’ai mangé un soir de samedi chez Sysy, la princesse. Je lui
suis reconnaissante, parce que ce jour là, pour la toute première fois ici en Allemagne,
mon plat était assaisonné de piment. Et celui qui connaît cet épice sait
comment le piment relève le goût des plats et leur donne beaucoup de la
puissance et de l’exotisme, surtout quand il est ajouté avec mesure.
Voici un
rapport pêle-mêle, un peu brouillon, mais naturel, qui exprime comment les
effluves des ‘‘cuisines’’ pourtant savoureuses d’Allemagne n’ont pas encore
réussi à apaiser ma faim du bon attiéké et de l’alloco de mon quartier de
Dabou. Je suis arrivée à la conclusion, mais je n’ai toujours pas la réponse à
ma question, je mange ou je ne mange plus ?